Reproduzido
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Hélène Le Teno est ingénieure des Ponts et Chaussées, spécialiste des questions de transitions écologiques.
Son parcours est riche et passionnant : elle a commencé sa carrière en Chine, a travaillé au sein d’un groupe pétrolier, dans la finance, puis durant six ans au sein du cabinet Carbone 4 auprès d’Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici.
Aujourd’hui, elle dirige le pôle Transition écologique du Groupe SOS, la première entreprise sociale européenne, avec 16 000 salariés, et elle est responsable du comité scientifique de l’association Fermes d’avenir, qui fait partie du groupe depuis mars 2016. Elle co dirige également le cabinet Auxilia, qui conseille les entreprises pour les accompagner dans la transition.
C’est une femme engagée et déterminée, avec qui nous avons parlé d’agriculture, de transition, de l’urgence de repenser les modèles et les indicateurs de réussite et de richesse, du rapport au monde politique, de l’aveuglement collectif et des nouveaux imaginaires à diffuser.
> Entretien enregistré le 19 mars 2018
EXTRAITS
"Aujourd'hui il y a 60 % des sols en france qui sont morts ou quasi morts ; ça veut dire tassés, érodés, minéralisés, incapables de produire sans apports d'engrais chimiques et de forte mécanisation." (3 min 36)
"On est assis sur une agriculture extractive, chimique, de prédation des ressources et on est en train de détruire notre capital naturel." (4 min 50)
"Je pense qu'il va y avoir dans les années qui s'annoncent beaucoup de ruptures et de crises dans beaucoup d'endroits de la planète. Il y en a toujours eu ; la question c'est la vitesse de transition : c'est le nombre de crises et les impacts qu'elles vont avoir. Toute action qu'on peut faire à échelle individuelle est non seulement utile mais indispensable. Si on souhaite se tourner vers l'avenir, c'est accepter de remettre en question cet héritage historique, ces organisations en place, et c'est accepter de dire qu'on peut jouer un rôle pour l'avenir." (7 min 10)
"C'est quoi notre capital ? C'est quoi le capital ? C'est avant tout le capital naturel." (9 min 50)
"Si on dit qu'on créé de la valeur, de la richesse, en créant du PIB tout en détruisant le stock de ressources naturelles, on se trompe." (11 min 56)
"Chacun dans son parcours de vie, comment est-ce qu'on fait pour manger à la fin du mois ? C'est la première des questions à laquelle on doit répondre. Ce qu'on fait dans les métiers agricoles c'est ça : c'est rendre le métier de paysan désirable, attractif, viable économiquement, inspirant." (16 min 50)
"Je ne crois pas à une crise de lucidité, je pense que malheureusement on va devoir aller jusqu'au bout de cette société technicienne. (...) On ne pose plus la question de l'homme, on ne pose plus la question du sens, on pose encore moins celle du partage. On va devoir aller jusqu'à l'écueil, à l'impasse physique et biologique de ces choix technologiques pour réinventer quelque chose de nouveau." (19 min 05)
"Cette méconnaissance de la vie c'est ce qui nous amène dans la situation qu'on connait aujourd'hui. Donc le progrès pour moi ce serait ça, c'est que dès l'école on enseigne le fonctionnement du vivant, et que dans nos métiers, on travaille à se former pour avoir des entreprises qui fonctionnent avec le vivant, qui prennent soin de la terre et des hommes, plutôt que de les détruire." (21 min 49)
"Le fait d'avoir fait le constat que l'humanité marche sur la tête est un bon début. Mieux vaut un peu de lucidité que beaucoup d'ignorance." (22 min 44)
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Gaël Giraud est chef économiste de l'Agence Française du Développement (AFD), et prêtre jésuite.
Un homme singulier, inclassable, au parcours pour le moins atypique, qui oscille entre des univers que tout oppose a priori.
Diplômé de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm et de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique, il est également docteur en mathématiques appliquées de l'Ecole polytechnique, spécialiste de la théorie des jeux, et directeur de recherches au CNRS.
Gaël Giraud a travaillé pour les marchés financiers à New York, avant de devenir membre de la compagnie de Jésus en 2004, puis prêtre en 2013.
Il a fondé le centre d'accueil d'enfants de la rue à Balimba, au Tchad, où il a passé deux années qui l'ont éveillé aux problématiques du climat et de l'énergie.
Sa parole juste et lucide tranche avec le discours ambiant, et explore une véritable éthique de l’économie.
Nous avons parlé de l'influence de ses différentes casquettes, entre spiritualité et rationalité, finance et voeu de pauvreté ; d'un épisode très méconnu de l'Histoire en 1890, durant lequel 50 millions de personnes sont mortes en moins de deux ans ; de ce que signifie concrètement une planète à +3 degrés ; des facteurs explicatifs de l'inaction et du déni : la prime au vice engendrée par l'absence de vraie législation et la mythologie de la concurrence entre entreprises, ainsi que le cynisme, la bunkerisation et le syndrome du Titanic d'une partie des élites économiques et sociales.
Nous avons discuté de l'évolution de la démographie, du rôle des femmes dans la transition écologique et dans la conversion de notre relation à la nature, pour passer d'un rapport de domination à une forme de coexistence et de partage.
Nous avons également parlé de l'urgence de créer de nouveaux modèles économiques qui prennent en compte les ressources naturelles, et du besoin de revaloriser la dépense publique.
> Entretien enregistré le 6 avril 2018
EXTRAITS
"Ce que je crains moi, c'est que nous rééditions ce type d'exploit morbide. C'est à dire que les élites du Nord arrivent à se protéger des menaces environnementales qui sont devant nous, provoquent des catastrophes et des espèces de génocides analogues à celui de 1890, et ne tiennent même pas compte de la réalité de ceci."
"C'est ça le portrait de la planète à la fin du siècle à +3 ou +4 degrés. Ca veut dire aussi très certainement une planète qui est largement hostile à la présence humaine sur des pans entiers des continents sur lesquels nous vivons aujourd'hui."
"Il y a là quelque chose de désespérant du coté des scientifiques quand on voit l'inaction de la classe politique, et d'une certaine manière on pourrait parler d'obscurantisme de la part d'une partie des médias qui ne relaie pas la réalité catastrophique de ce que nous savons par ailleurs."
"Une bonne partie d'entre nous n'arrive pas à croire ce que nous savons, ce qui renvoie à une question d'acte de foi dans la manière dont nous comprenons l'avenir qui est devant nous."
"Tant qu'on continue de régir les relations entre entreprises par de la concurrence, il y aura une prime au vice, une prime à l'industrie brune."
"On a absolument besoin de revaloriser la dépense publique, une dépense publique intelligente, on a besoin de "mieux d'état", non pas de moins d'état."
"La vérité, c'est qu'on a absolument besoin d'investissements publics massifs dans le train, parce que le train c'est la mobilité verte de demain."
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Jean-Marc Jancovici est l’invité de Présages.
Ingénieur polytechnicien, Jean-Marc Jancovici est co-fondateur du cabinet Carbone 4 spécialisé dans la transition énergétique, et co-fondateur du Shift Project, laboratoire d'idées pour une transition vers une économie libérée de la dépendance aux énergies fossiles.
Il est reconnu pour son expertise des questions de l’énergie et du climat et pour son travail de vulgarisation au travers de nombreuses conférences, livres et enseignements.
L’inventeur du bilan carbone fut également co rédacteur du Pacte Écologique de la Fondation Nicolas Hulot en 2007.
Réputé pour son franc-parler, Jean-Marc Jancovici répète sans lassitude le lien entre énergie, climat, PIB, absence de croissance, inégalités, montée des populismes … et bat en brèche les “solutions” prônées par la classe politique et les dirigeants. La croissance verte est un leurre, et les énergies renouvelables à elles-seules ne suffiront pas à nous sauver.
Dans ce monde aux limites et aux ressources finies, nous devons faire le deuil d’une croissance infinie, et nous libérer de la toxico dépendance aux énergies fossiles destructrices.
La production mondiale de pétrole conventionnel est passé par un maximum et stagne depuis 2005 ; logique oblige, cette production va décroître, entraînant en récession les économies, accentuant encore les inégalités. Le dérèglement climatique fragilise les régions les plus pauvres, entraînant des migrations massives vers les zones les plus favorisées, dont les démocraties mises à mal seront de plus en plus tentées par les extrêmes.
Pour faire face à la rupture énergétique annoncée et à l’urgence de diminution des gaz à effet de serre, Jean-Marc Jancovici considère de façon très pragmatique la place du nucléaire comme indispensable, tout en soulignant la nécessité de diminuer la consommation et d’augmenter l'efficacité énergétique.
Durant une heure, nous avons parlé du monde qui vient, du rôle de l’action, de ce que ça fait de faire 800 conférences sur ce sujet, de la communication et de la presse, des dirigeants. Nous avons parlé de la culture technophile et scientiste des Etats Unis, de démocratie, de la difficulté de faire avancer les sujets “écologiques” au sein de la cellule familiale, et de la question de la quête de sens.
Entretien enregistré le 22 février 2018
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